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Le président. La discussion est épuisée. Je vois que ma proposition ne rencontre pas d’opposition ; je constaterai, dans mon rapport au citoyen ministre, que nous avons été unanimes et que nous avons voté comme un seul homme.

Le voisin du président. Il est bien fâcheux qu’on n’ait pas fourré un économiste dans la Commission ; j’aurais eu quelque plaisir à jouir de sa défaite. (M. Henri Martin sourit à l’orateur.)

Un de ses voisins, à un membre qui ne comprend pas. Vous ne vous faites pas d’idée, citoyen, combien il y a d’esprits ridicules dans cette école. Un savant espagnol, le célèbre don Ramon de la Sagra, les a couverts de confusion en pleine Académie.

Le membre qui ne comprend pas. Tiens !… La collection des principaux économistes que j’ai achetée pour ma bibliothèque….

Le voisin. C’est une collection de rapsodies. Vous savez ce qu’était Quesnay ? le médecin d’un roi débauché ; — Turgot ? un esprit très-étroit ; — Adam Smith ? un petit philosophe de l’école écossaise ; — J.-B. Say, Destutt de Tracy ? des idéologues ; — Ricardo ? un banquier ; — Malthus ? un scélérat. Qu’est-ce que vous voulez faire avec tout cela ? Et quand on pense qu’un garçon de talent, comme Michel Chevalier, a eu le courage d’appeler ces gens-là les maîtres de la science ! c’est à le destituer dix mille fois.

Le membre qui ne comprend pas. Je crois bien que vous avez raison ; mais c’est chose grave que la proscription d’une science et la destitution d’un homme de mérite. Le gouvernement provisoire consentira-t-il à signer un pareil décret ?

Le voisin. Les organisateurs du gouvernement provisoire seront enchantés. Quelques membres ne s’apercevront pas du tour, et les autres s’en moquent. Quant à ce qui concerne Michel Chevalier, il est rédacteur des Débats, et par le temps qui court, cela suffit.

Le membre qui ne comprend pas. C’est pourtant un homme de mérite.

Un autre voisin, d’un air concentré. Qu’est-ce que cela prouve, citoyen ? qu’est-ce que cela prouve ?

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Le National est assez embarrassé pour ne pas blâmer les innovations de M. Carnot. « Inaugurer cet enseignement, dit-il, est une tentative digne de louange, qui ne peut être considérée que comme empirique, provisoire et susceptible de corrections et de remaniements. » — Nous l’espérons bien.

Pour légitimer la suppression de la chaire d’économie politique, ou mieux, la destitution du professeur, le National établit, à travers un raisonnement assez tortueux, que la base de l’économie politique étant métaphysique, doit changer avec chaque phase nouvelle de la société politique. Ce n’est pas la première fois que notre confrère établit une différence entre l’économie politique monarchique et l’économie politique républicaine. Nous lui avons toujours répondu que, s’il voulait se donner la peine de juger par lui-même, c’est-à-dire de se rendre compte des données qui font la base de l’économie politique, il verrait que la vérité, c’est-à-dire la nature des choses, n’a rien de métaphysiquement variable, et que cette nature a toujours été la même, et n’a rien à voir à la forme politique des gouvernements qui peut la contrarier, mais qui ne fait pas partie de son essence.

— Le Moniteur nous a fait connaître un discours prononcé, le 3 avril, par M. Louis Blanc au Luxembourg, en présence des délégués des ouvriers. Ce discours, préparé avec le plus grand soin, se ressent de l’embarras du membre