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autre sacrifice, plus terrible et plus lugubre, qui s’offre sur l’échafaud à la justice humaine. Toutefois, en interrogeant ma raison, je suis obligé de reconnaître que ni la peine de mort, ni la contrainte par corps n’excèdent le droit de la société. Après avoir sondé les profondeurs mystérieuses du pouvoir social, j’y trouve avec évidence ce droit de punir par le sang, ce droit de coaction sur la liberté, qui, par ses expiations formidables ou par ses dures contraintes, est, dans certains cas exemplaires, un effroi nécessaire pour le méchant, une sauvegarde publique, une garantie du crédit et de la propriété. »

Dans une prochaine lecture, M. Troplong terminera l’historique de la contrainte par corps, et exposera avec plus de détails les conclusions auxquelles il arrive relativement à cette institution. Disons toutefois dès à présent que lord Brougham, correspondant de l’Académie et présenta la séance à laquelle a eu lieu la première lecture de M. Troplong, a développé quelques observations sur l’état de la législation anglaise en cette matière. Autrefois l’emprisonnement pour dette était général en Angleterre, et s’appliquait à tous les citoyens, à l’exception des membres du Parlement, des enfants et des femmes ; il y avait deux sortes de contrainte par corps, la contrainte antérieure au jugement, et autorisée pour toutes les dettes, si ce n’est pour les dettes trop minimes, et la contrainte postérieure à la sentence du juge et qui était permise sans aucune exception, même pour les dettes les plus minimes. Au mois de janvier 1828, lord Brougham fit une proposition dans le but de créer deux commissions chargées de préparer des changements organiques dans la législation anglaise. Les plus importantes de ces modifications avaient trait à l’organisation de la contrainte par corps. Les principes qui servent de base au droit actuel sont clairs et rationnels ; ils reposent sur cette idée que la contrainte par corps ne doit jamais être un moyen de compensation, de payement, mais seulement une punition. La contrainte ne peut plus être exercée que dans certains cas exceptionnels ; l’incarcération du débiteur n’est permise qu’en cas de fraude de sa part, de contumace, de refus de céder ses propriétés aux créanciers, de stellionat, d’abus de confiance, de fautes lourdes assimilées au dol. Hors de ces exceptions, l’emprisonnement est défendu, et il n’a jamais que le caractère d’une peine contre la fraude et la mauvaise foi, et non celui d’une voie d’exécution, d’un mode de libération.

— M. Cousin, dans une Notice sur la vie et les ouvrages d’Adam Smith, a fait connaître la vie et les différents travaux de ce philosophe économiste. Après s’être occupé de son livre de la Théorie des sentiments moraux, il examine les ouvrages d’Adam Smith sur l’économie politique. Suivant lui, Adam Smith doit être considéré comme le père de l’économie politique. Il est le premier qui, des travaux divers entrepris et exécutés en Angleterre et en France de son temps et même avant lui, ait composé une doctrine, soumise à la méthode qui seule est reçue dans les sciences véritables, embrassant toutes les questions relatives à celle de la richesse et fournissant désormais à tous les esprits doués d’un peu d’attention la matière d’une étude légitime et régulière. Il n’a pas seulement constitué le corps de la science ; il lui a donné l’âme et la vie, c’est-à-dire le principe qui l’anime dans toutes ses parties et qui est la loi de tous ses mouvements. C’est ce principe qu’il faut surtout s’attacher à mettre en lumière. Ce principe est consigné par Smith, dès les premières lignes de l’introduction de son livre des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations : « Le travail annuel d’une nation est la source primitive d’où elle tire