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424 JOURNAL DES ECONOMISTES.

Mais avant de résumer son système, voyons comment il établit que la concurrence est une cause de ruine pour la bourgeoisie. D’abord il reproche à « l’école des Smith et des Say » d’avoir proclamé les avantages du bon marché, — qui ne profite qu’aux consommateurs, — qui est la massue avec laquelle les riches producteurs écrasent les producteurs peu aisés, — guet-apens dans lequel les spéculateurs hardis font tomber les hommes laborieux, — exécuteur des hautes œuvres du monopole, etc., etc. (Voyez page 59.)

Nous ne combattrons pas cette proposition fondamentale et les autres propositions accessoires qui viennent s’y greffer. M. Louis Blanc n’a pas prouvé que la liberté de l’industrie fût la cause de la concurrence que les bourgeois, comme il dit lui-même , peuvent se faire. Les exemples qui soutiennent son argumentation sont empruntés à des branches de travail où il y a excès de travailleurs, disproportion entre le travail et le capital. Le principe de liberté, qui n’y peut rien, remplacé par le règlement, qui pourra moins encore, ne nous fait pas l’effet d’être un remède. Ici encore M. Louis Blanc a fait confusion.

La troisième proposition de l’auteur est que la concurrence est condamnée par l’exemple de l’Angleterre. Il poursuit toujours le principe de liberté sous le nom de concurrence, et il le confond sans cesse avec l’excès de population. Or, l’erreur est ici d’autant plus palpable pour ceux surtout qui sont au courant de l’agitation des ligueurs, que c’est le système réglementaire et le monopole qui ont avant tout contribué à compliquer la position sociale de l’Angleterre. Que si , au dire de M. Rubichon approuvé par M. Louis Blanc, il est vrai que la nation anglaise est celle qui a le plus travaillé et le plus jeûné, Ricardo et Malthus n’y sont pour rien, ce qui n’empêche pas M. Louis Blanc de dire : « Là devait conduire en effet cette économie politique dont Ricardo a si complaisamment posé les prémisses et dont Malthus a tiré avec tant de sang-froid l’horrible conclusion. » Nous citons textuellement cette phrase pour avoir occasion de dire qu’il y en a beaucoup de semblables dans l’écrit de M. Louis Blanc. Or, nous en appelons à ceux qui ont médité Ricardo et Malthus, est-il possible que M. Louis Blanc ait lu les ouvrages de ces deux savants ?


Nous renvoyons encore M. Louis Blanc aux discours des ligueurs pour la réponse à sa quatrième proposition : que « la concurrence (lisez toujours liberté) aboutit nécessairement à une guerre à mort entre la France et l’Angleterre. » Enfin nous arrivons à la combinaison dans laquelle l’auteur établit comment on peut, selon lui, organiser le travail, c’est-à-dire changer l’ordre actuel, qui est radicalement mauvais. (Page 84.)

Le gouvernement serait l’agent suprême de la réforme. Sa tâche serait de fonder aux frais de la société des ateliers dit sociaux pour forger le fer, tanner le cuir, tisser le drap, etc., et de rédiger les statuts de ces entreprises. Le gouvernement choisirait des ouvriers moraux et leur donnerait de bons salaires. M. Blanc admet par hypothèse que ces ateliers donneraient un produit net et feraient en outre une si bonne concurrence à l’industrie privée, que celle-ci se transformerait en ateliers sociaux. M. Louis Blanc trouve que c’est là une transition équitable et pacifique. Mais passons. Pour la première année seulement, le gouvernement réglerait la hiérarchie des fonctions ; l’an d’après, la hiérarchie sortirait du principe électif.

Les salaires seraient réglés par le gouvernement. Les membres de l’atelier