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422 JOURNAL DES ECONOMISTES.

rales, plus de bonne foi, plus do bonheur plus de richesses pour les pauvres, etc., etc. ; quand, disons-nous, vous avez défalqué tout cela, il reste à peu près zéro ; ou s’il reste quelque chose, feuilletez les économistes, les véritables économistes : Quesnay, Turgot, Adam Smith, Malthus, J.-B. Say, Ricardo, et vous le trouverez tout au long dans leurs ouvrages ou dans les ouvrages de ceux de leurs disciples qui ont étudié la nature. Nous ne parlons ici qu’au point de vue économique, c’est-à-dire au point de vue de la formation, de la distribution, de la consommation la plus naturelle de la richesse, et au point de vue de l’amélioration, par cette richesse, de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Remarquez encore que nous ne voulons en aucune manière méconnaître la hauteur de sentiments, le mérite littéraire, et toutes les qualités de l’esprit et du cœur qu’ont et que peuvent avoir les écrivains honorables dont nous nous bornons à contester la valeur en ce qui touche leurs prétendues découvertes dans la science économique. Eux d’ailleurs se privent peu de la satisfaction de dire bien haut et bien souvent, à propos d’emprunts ou d’impôts, de profits ou de salaires, d’irrigations ou d’assurances, de chemins de fer ou de canaux, des maîtres de poste ou des ouvriers charpentiers, c’est-à-dire à propos de tout : « Malheureuse société, tu es dans les brouillards des économistes, qui n’ont jamais eu voix au chapitre, mais que nous accusons quand même, parce que s’ils n’ont pas fait le mal, ils en sont capables ; nous seuls pouvons te conduire dans une meilleure voie, parce que nous avons une formule. Et n’entends-tu pas retentir ce cri de ralliement en France, en Allemagne, en Angleterre, en Amérique : Organisation du travail ! tel est le glorieux symbole du parti socialiste. »

Combien de temps encore l’opinion publique mettra-t-elle à savoir que le système socialiste est un tout d’autant plus vague que les nombreux systèmes qui le composent sont eux-mêmes d’un vague qui échappe à toute analyse, ou bien se heurtent et se combattent par cent points différents ? Nous n’en demandons pour preuve que la lecture attentive des discours, des articles de journaux, des brochures ou des ouvrages dans lesquels les auteurs font acte de socialisme.

Mais pour comprendre la signification donnée par les apôtres des divers modes de socialisme, par leurs sectateurs éclairés ou par les badauds qui répètent des bribes de leur langage, en vrais perroquets qu’ils sont, à la formule solennelle de l’organisation du travail, nous n’avons trouvé d’autre méthode que celle d’analyser une à une les opinions qui se sont produites ou qui se produiront, et de les soumettre au jugement des esprits que le bruit des formules tient en suspens. En dehors des conceptions bien connues des saint-simoniens plutôt que de Saint-Simon, de Fourier plutôt que des fouriéristes, et d’Owen plutôt que de tous les autres communistes, la conception de M. Louis Blanc est sans contredit celle qui mérite le plus d’attention.

M. Louis Blanc, quoique jeune encore, a su par ses travaux dans la presse, par son Histoire de dix ans, se faire une réputation littéraire incontestable et incontestée. M. Louis Blanc a eu sa part d’influence dans les discussions qui ont agité la société française depuis la révolution de Juillet ; M. Louis Blanc est loin, si Dieu lui prête vie, d’avoir clos sa carrière de publiciste, et d’avoir renoncé à l’usage d’une force que donne toujours un grand talent de forme. Ses opinions ou plutôt ses illusions économiques ont atteint l’esprit de beaucoup de, gens, et notamment de plusieurs travailleurs qui se font sérieusement et