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CHRONIQUE.




Paris, 15 juillet 1844.


Les discussions des projets de loi sur les chemins de fer ont fait tous les frais des nouvelles économiques du mois. — Les vues étranges, les revirements d’opinions, les motifs avoués ou latents des amendements proposés, ont suffi et au delà pour alimenter la curiosité publique ; il est resté peu de chose à glaner dans les faits étrangers à cette grande question. Un article spécial de ce numéro est consacré à cette discussion mémorable. — Nous nous contenterons de nous réjouir de la justice faite par la Chambre des pairs de l’amendement Crémieux. — C’est bien assez que deux cents députés aient pu penser que s’ils appartenaient à quelque compagnie ils pourraient être soupçonnés ; c’est bien assez que chacun d’eux ait stigmatisé pour ainsi dire le travail et proclamé l’excellence de ceux qui ne font rien, sans qu’il fût besoin de compléter l’étrangeté de telles idées par un vote solennel. Grâce à la Chambre des pairs, grâce à la parole fine et mordante de M. Rossi, l’amendement a disparu ; il sera permis d’être député et de rendre des services dans l’application de la plus belle des découvertes industrielles modernes.

Un procès intéressant va fournir un argument nouveau à la discussion sur les marques de fabrique. La police a découvert qu’un grand nombre d’objets de bijouterie sont frappés d’un faux poinçon. Six personnes subissent aujourd’hui à ce sujet un emprisonnement préventif. — D’après les renseignements qu’on possède, il paraît impossible que les faits se soient passés sans la connivence des employés eux-mêmes. — C’est là précisément ce qui est à redouter dans le système général des marques que quelques personnes voudraient voir rendre obligatoires. — Partout où la fraude est lucrative, elle sait tôt ou tard fermer les yeux ou la bouche aux préposés de l’État. L’histoire des ponts à bascules est là pour rendre témoignage. Le jour où pour toutes les industries les marques seraient obligatoires, comment s’assurera-t-on de l’incorruptibilité de l’armée des agents chargés des vérifications ? Turgot, nous l’avons déjà dit, pensait que la meilleure marque possible, c’est le nom du fabricant ; bien des gens de bon sens penseront comme lui. Mais aujourd’hui ce n’est pas la tendance. Les Français semblent avoir reconnu qu’ils sont incapables de se conduire, de distinguer le bien du mal, de discerner le bon du mauvais ; ils veulent que le gouvernement les guide et les corrige. — Le pays semble divisé en deux classes, les consommateurs ou les dupes, les producteurs ou les fripons ; et notez bien que comme tout le monde tour à tour consomme et produit, il s’ensuit que la France serait peuplée de voleurs imbéciles. — Grand merci, messieurs les réformateurs ; mais nous craignons que le gouvernement que vous nous souhaitez ne se montre trop éminemment Français.

Avec les récoltes abondantes, les capitaux ont reparu, et, comme on pouvait s’y attendre, le travail s’est augmenté. Les résultats généraux de notre commerce extérieur pendant 1843, que vient de publier l’administration des douanes, devaient être satisfaisants. Ils le sont en effet.