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« La voix du peuple est celle de Dieu. » Ce proverbe indique certainement la hardiesse de pensée des masses. Il semble que pour elles le temps et l’espace ne sont pas. Vouloir, c’est avoir ; les obstacles sont nuls. Cette exigence, cependant, a manqué de compromettre la pétition des ouvriers de Paris. La commission chargée du rapport avait tout uniment conclu à l’ordre du jour ; elle fondait son opinion sur l’impossibilité de faire immédiatement ce que demandent les pétitionnaires.

La Chambre a protesté contre les conclusions de la commission, et cette fois, plus explicitement que jamais, le ministère, par l’organe de M. Guizot, a déclaré que l’émancipation sera faite, et que ce n’est plus une question de principe, mais seulement une question de temps.

« Il ne faut pas qu’il reste, à la suite de cette discussion, a dit M. Guizot, ni chez nous, ni dans nos colonies, aucun doute sur les intentions du gouvernement du roi. Il ne faut pas qu’on puisse dire aujourd’hui que la question a reculé au lieu d’avancer. Le gouvernement du roi a la ferme intention, le ferme dessein d’accomplir dans nos colonies l’abolition de l’esclavage. Le gouvernement du roi n’a pas aujourd’hui à discuter les divers systèmes, les divers modes d’abolition. Parmi ces systèmes, celui que recommandent les pétitions dont on vient de faire le rapport, l’abolition immédiate, actuelle, en masse, est tellement impossible, que je ne sache personne dans cette Chambre qui osât la proposer. Il y a de bonnes raisons pour cela. Pourquoi ne demande-t-on pas l’abolition actuelle, immédiate, en masse ? Si elle est possible, il faut la demander ; je serais le premier à la proposer. Si le gouvernement du roi ne la propose pas, c’est qu’il juge qu’elle n’est pas possible ; c’est qu’il juge qu’il y a, soit pour les colons, soit pour les esclaves, soit pour la métropole, des mesures à prendre pour préparer, pour amener, pour faire réussir l’émancipation. Plusieurs de ces mesures ont déjà été prises ; des pas considérables ont déjà été faits ; il n’est pas exact de dire, comme on l’a dit à cette tribune, qu’on n’ait gagné aucun terrain. Oui, messieurs, dans les colonies, soit pour l’instruction morale et religieuse de l’esclave, soit pour la constitution de la famille, soit pour la condition matérielle de l’esclave, soit pour ses rapports avec le maître, déjà beaucoup de choses excellentes ont été faites ; et nous avons trouvé dans une partie des colons, dans les magistrats chargés de l’administration des colonies, un utile appui.

« Il est vrai que nous avons aussi rencontré, que nous rencontrons tous les jours de grands obstacles. Qui est-ce qui pourrait s’en étonner ? est-ce qu’une mesure pareille peut s’accomplir sans résistance grave ? Cette résistance, avec du temps, avec des mesures efficaces, nous la surmonterons, soit par des mesures qu’il est au pouvoir du gouvernement du roi de prendre lui-même, soit en venant vous demander, ce que nous ferons prochainement, les pouvoirs dont nous avons besoin. »

La discussion de la loi sur le régime des prisons a occupé la Chambre pendant de longues séances. Elle n’est pas encore terminée.

Le Journal des Économistes a déjà traité de cette grave réforme. Un savant député a exposé dans nos colonnes, et à plusieurs reprises, l’état de la question. Nous croyons donc inutile de présenter ici l’analyse des très-nombreuses opinions qui se sont produites à la tribune de la Chambre des députés. La pensée de l’honorable M. de Tocqueville a prévalu. Donner au prisonnier autant de facilité que possible pour communiquer avec les personnes honorables ;