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MOUVEMENT BROWNIEN ET MOLÉCULES

presque égale à celle 70,5 . 1022 que j’avais obtenue par la méthode si différente qui consiste à étudier non l’agitation des grains, mais leur distribution. La moyenne 71 . 1022 serait acceptable. En tous cas, le triomphe de la théorie cinétique, donnant le même nombre par des routes si différentes, est indiscutable.

À une échelle différente, le mouvement brownien nous donne l’image fidèle des mouvements moléculaires. Ou, plus exactement, les mouvements des grains observés sont déjà des mouvements moléculaires, de mime que l’infra-rouge est aussi bien de la lumière que l’ultra-violet.

Vous voyez sur le quadrillage ici projeté, où 16 divisions représentent 50 μ, trois dessins obtenus en traçant les segments qui joignent les positions consécutives d’un même grain de mastic, d’environ 1 μ de diamètre, pointé de trente en trente secondes. C’est le carré moyen de la projection sur un axe de tels segments qui vérifie la formule d’Einstein. Ces dessins ne donnent qu’une idée très affaiblie du prodigieux enchevêtrement de la trajectoire réelle. Si, en effet, on faisait des pointés de seconde en seconde, chacun de ces segments rectilignes se trouverait remplacé par un contour polygonal de trente côtés, relativement aussi compliqué que le dessin ici reproduit, et ainsi de suite.

Pour varier les conditions d’expérience, j’ai cherché, et j’ai réussi, à préparer des grains beaucoup plus gros que ceux qui m’avaient servi jusqu’alors, dont les diamètres s’échelonnaient entre le quart de micron et le micron. Pour cela, j’ai fait arriver lentement de l’eau, par un entonnoir à pointe effilée, sous une solution alcoolique de mastic. Les grains qui se forment alors dans la zone de passage ont couramment un diamètre d’une douzaine de microns, et sont donc environ 100 000 fois plus lourds que les plus petits de ceux qui m’avaient servi. Pour que ce poids ne les maintienne pas sans cesse au contact immédiat du fond, je les ai observés dans une solution d’urée à 27 % qui a presque leur densité. J’ai alors constaté que la formule d’Einstein s’applique encore[1], malgré l’énorme variation ainsi réalisée dans la masse des grains.

  1. Et, depuis, grâce aux petites inclusions contenues dans certaines sphères, j’ai pu constater et mesurer leurs rotations, et vérifier la dernière formule d’Einstein, vérifiant du même coup l’égalité moyenne des énergies de translation et de rotation.