Page:Journal de physique théorique et appliquée, tome 9, année 1910.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
PERRIN

avait été tenté par V. Henri, par enregistrement cinématographique, malheureusement une complication particulière faussa ses résultats, et fit croire un instant que l’équation d’Einstein était franchement inexacte.

Si je cite ce fait, c’est que j’ai été très vivement frappé de la facilité avec laquelle, malgré que V. Henri eût énoncé ses résultats de façon provisoire en faisant des réserves sur leur généralité, les physiciens, même les plus attachés à la doctrine cinétique, furent prompts à admettre que la théorie d’Einstein devait contenir implicitement quelque hypothèse injustifiée. Cela montre bien combien est limité, au fond, le crédit que nous accordons aux théories, et à quel point ceux mêmes qui les édifient y voient des instruments de découverte plutôt que de véritables démonstrations.

Bien que gagné par le doute général, je pensai qu’il pouvait encore être utile de mesurer l’agitation des grains de rayon exactement connu que je savais préparer. Un de mes jeunes camarades, M. Chaudesaigues, voulut bien se charger des pointés, qui, incidemment, sont assez pénibles. Il fallait noter la position d’un grain, à la chambre claire, de demi-minute en demi-minute, recommencer avec un autre grain, et ainsi de suite.

Dès les premières mesures, il devint manifeste, contrairement à ce que j’attendais, que les déplacements vérifiaient au moins approximativement la formule d’Einstein. Cette impression se confirma de plus en plus, à mesure que le plus grand nombre des pointés éliminait davantage les irrégularités de statistique. M. Chaudesaigues songea de plus à vérifier, et trouva, en effet, que les projections des déplacements se répartissent autour de la valeur zéro conformément à la loi du hasard.

Ces pointés se rapportaient à des grains de gomme-gutte. Avec l’aide de M. Dabrowski, je fis, pour des grains de mastic de diamètre à peu près double, un nombre comparable de pointés. La moyenne générale portant sur environ 3 000 déplacements (ce qui est encore trop peu) conduit pour à la valeur

71,5 . 1022,


    de mastic (13 μ de diamètre) suspendus dans une solution d’urée de même densité (Voir Comptes rendus, septembre 1909, et Annales de chimie et physique, même date). Au degré de précision possible, la formule se vérifie remarquablement, donnant pour la valeur 65 . 1022.