Page:Journal de physique théorique et appliquée, tome 9, année 1910.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
MOUVEMENT BROWNIEN ET MOLÉCULES

d’une paroi, ce grain s’immobilise. L’émulsion s’appauvrit ainsi progressivement, et, après quelques heures, tous les grains qu’elle contenait sont fixés. On peut alors compter à loisir tous ceux qui proviennent d’un cylindre de base arbitraire (mesurée à la chambre claire).

Enfin j’ai constaté que, sous l’influence de traces d’acide, il se forme parfois des bâtonnets rectilignes formés de quatre ou cinq grains, qu’on voit s’agiter un instant avant de se coller au fond. Leur longueur se mesure aisément à la chambre claire, alors que le diamètre d’un seul grain ne pourrait être ainsi apprécié que de façon grossière (à cause de l’élargissement dû à la diffraction). Et ceci donne un troisième procédé, pas très précis, mais direct, pour obtenir le rayon cherché[1].

Ces trois méthodes donnent des résultats concordants. Par exemple, la première ayant donné 0μ,45 pour le rayon des grains d’une certaine émulsion, la seconde donna 0μ,46 et la troisième 0μ,455. Pour une autre émulsion, de préparation plus soignée, le rayon fut trouvé égal à 0μ,213 par la première méthode (loi de Stokes), et à 0μ,212 par la seconde (après numération de 11 000 grains). Et ainsi de suite, pour divers rayons allant de 0μ,52 à 0μ,14, c’est-à-dire jusqu’au seuil des grandeurs ultramicroscopiques.

16. Cette concordance a une signification importante en ce qui regarde la loi de Stokes. Cette loi a été établie en supposant des conditions de continuité qui sont loin d’être remplies pour des sphères qu’anime un mouvement brownien actif. En particulier, elle suppose uniforme la vitesse vraie de la sphère par rapport au fluide. Or, en fait, cette vitesse change sans cesse de direction et de grandeur, et n’a rien de commun avec la vitesse verticale constante (incomparablement plus petite), avec laquelle tombe dans le liquide le nuage que forment un grand nombre de grains ; c’est pourtant à cette dernière qu’on applique la formule. Bref, jusqu’à preuve expérimentale, il subsistait un doute (sur lequel J. Duclaux a utilement attiré l’attention) dans toutes les applications de la loi de Stokes aux grandeurs microscopiques, en particulier cette incertitude subsistait dans les célèbres travaux de J.-J. Thomson sur la condensation

  1. V. Henri avait déjà employé ce procédé pour avoir approximativement le diamètre (moyen) de grains de caoutchouc disposés en filaments.