Page:Journal de physique théorique et appliquée, tome 9, année 1910.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
PERRIN

D’abord, à l’exemple de J.-J. Thomson, de Langevin et de tous ceux qui ont eu à déterminer les dimensions de gouttelettes présentes dans un gaz, j’ai admis la validité d’un calcul de Stokes relatif au mouvement d’une sphère dans un fluide visqueux. D’après ce calcul, la force de frottement qui s’oppose au mouvement de la sphère est à chaque instant mesurée par , si désigne la viscosité du fluide, le rayon de la sphère et sa vitesse. Quand la sphère tombe d’un mouvement uniforme sous la seule influence de la pesanteur, on doit donc avoir :

équation qui détermine une fois mesurée la vitesse de chute.

Supposons maintenant qu’on réalise une colonne verticale très haute de l’émulsion uniforme étudiée. On sera si loin de la répartition d’équilibre que les grains des couches supérieures tomberont comme les gouttelettes d’un nuage sans qu’on ait à se préoccuper du reflux dû à l’accumulation des grains dans les couches inférieures. Le liquide se clarifiera donc à sa partie supérieure, et la hauteur de la zone clarifiée donnera la vitesse de chute à laquelle s’applique la loi de Stokes.

En effet, si on emplit d’émulsion un tube capillaire, sur une hauteur de quelques centimètres, et si on l’installe verticalement dans un thermostat, on voit l’émulsion quitter progressivement les couches supérieures du liquide comme un nuage à surface assez nette, qui descend chaque jour d’une même quantité. Il est bon d’employer un tube capillaire pour éviter les convections, trop faciles dans les tubes larges.

Mais l’application de la loi de Stokes à de si petites sphères, bien qu’en définitive légitime, donne lieu à des objections que j’examinerai dans un instant. Il était donc désirable d’atteindre le rayon des grains de façon différente.

J’y suis arrivé en comptant combien il y a de grains dans un volume connu d’émulsion titrée, ce qui donne la masse d’un grain et, par suite, son rayon, puisque l’on connaît sa densité. J’ai utilisé pour cela le fait, accidentellement observé, qu’en milieu très faiblement acide les grains de gomme-gutte se collent sur le verre. À distance notable des parois, le mouvement brownien n’est pas modifié ; mais, sitôt que les hasards de ce mouvement amènent un grain au contact