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MOUVEMENT BROWNIEN ET MOLÉCULES

On peut encore élargir cette proposition déjà si générale. Elle implique, pour les lourdes molécules de sucre qui se meuvent dans de l’eau sucrée, la même énergie moyenne que pour les molécules agiles de l’eau. Or ces molécules de sucre contiennent déjà 35 atomes ; les molécules de sulfate de quinine en contiennent plus de 100, et l’on en pourrait citer de plus compliquées auxquelles s’étendent les lois de Van’t Hoff (ou celles de Raoult, qui s’en déduisent).

Considérons alors une particule encore un peu plus grosse, formée elle-même de plusieurs molécules, en un mot une poussière. Va-t-elle réagir selon une loi nouvelle aux chocs des molécules qui l’environnent ? Ne se comportera-t-elle pas simplement comme une très grosse molécule, en sorte que son énergie moyenne ait la même valeur que celle d’une molécule isolée ? On peut hésiter à le certifier, mais cette hypothèse paraît au moins assez plausible pour qu’il vaille la peine d’en discuter les conséquences.

Nous voici donc ramenés à l’observation des grains d’une émulsion et à l’étude de ce mouvement merveilleux qui suffirait à suggérer l’hypothèse moléculaire. En même temps nous avons été conduits à préciser sa théorie en disant non plus seulement que chaque particule doit son agitation aux chocs des molécules, mais encore que l’énergie entretenue par ces chocs est en moyenne égale à celle d’une quelconque de ces molécules.

Les propositions dont je viens de montrer la vraisemblance peuvent être regardées comme cas particuliers du fameux théorème sur l’équipartition de l’énergie, conquis par étapes successives, grâce de nombreux efforts, parmi lesquels on doit citer ceux de Maxwell, Gibbs, Boltzmann, Jeans, Langevin, et qui conduit à affirmer l’égalité moyenne des énergies de translation ou de rotation que prennent au sein d’un fluide des assemblages quelconques de molécules. Ce théorème a eu une grande importance en dehors des sujets ici abordés, et, par exemple, a permis de prévoir, selon le nombre des atomes d’une molécule d’un gaz, le rapport des chaleurs spécifiques de ce gaz. Mais sa démonstration exige des calculs compliqués, et un chemin plus simple, fût-il moins rigoureux, m’a paru désirable. D’ailleurs, le mot démonstration ne doit pas faire illusion, car des hypothèses s’introduisent ou s’insinuent dans ces calculs, comme en presque toute théorie de Physique mathématique.

Bref, nous voici amenés à penser que l’énergie moyenne de translation d’une molécule est égale à celle que possèdent les granules