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PERRIN

suite , garde la même valeur. Par exemple, les molécules d’argon et d’oxygène présentes dans l’air ont même énergie cinétique moyenne.

Cette invariance ne se limite pas à l’état gazeux, et les beaux travaux de Van’t Hoff montrent qu’elle s’étend aux molécules des solutions diluées. Imaginons une enceinte semi-perméable contenant une telle solution, qu’elle sépare du dissolvant pur ; elle laisse passer librement les molécules du dissolvant, qui ne peuvent donc y développer aucune pression, mais elle arrête les molécules dissoutes. Les chocs de ces molécules contre l’enceinte développeront alors une pression osmotique , et l’on voit, si on reprend le raisonnement en détail, qu’on peut encore calculer la pression due à ces chocs comme dans le cas d’un gaz, donc écrire

désignant l’énergie moyenne de translation des molécules enfermées dans le volume de l’enceinte.

Or, comme Van’t Hoff le fit voir, il résulte d’expériences de Pfeffer que la pression osmotique est égale à la pression qu’exercerait la matière dissoute si elle occupait seule et à l’état gazeux le volume de l’enceinte. est donc égal à les molécules du corps dissous ont même énergie moyenne qu’à l’état gazeux.

Je veux à ce sujet faire une remarque qui rend intuitif un énoncé que la théorie cinétique des fluides établit de façon pénible. La loi de Van’t Hoff nous apprend qu’une molécule d’alcool éthylique, en solution dans l’eau, a même énergie qu’une des molécules de la vapeur qui surmonte la solution ; elle aurait encore cette énergie si elle se trouvait dans du chloroforme (c’est-à-dire si elle était environnée de molécules de chloroforme) ou même si elle était dans de l’alcool méthylique ou de l’alcool propylique ; cette indifférence à la nature des molécules du liquide où elle s’agite force à croire qu’elle aura encore la même énergie si elle est dans de l’alcool éthylique, c’est-à-dire si elle est une des molécules qui forment de l’alcool éthylique pur. On voit par là que dans un liquide ou dans un gaz l’énergie moléculaire est la même, et nous pouvons maintenant dire :

À une même température, toutes les molécules de tous les fluides ont la même énergie cinétique moyenne, proportionnelle à la température absolue.