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MOUVEMENT BROWNIEN ET MOLÉCULES

spontanément, transformant ainsi en travail une partie de la chaleur du milieu ambiant. Il ne faut donc plus dire que le mouvement perpétuel de seconde espèce est impossible, mais il finit dire : « À l’échelle de grandeur qui nous intéresse pratiquement, le mouvement perpétuel de seconde espèce est en général tellement insignifiant qu’il serait déraisonnable d’en tenir compte. » Au surplus, de telles restrictions ont été posées depuis longtemps, et vous vous rappelez ce démon imaginé par Maxwell, qui, assez délié pour saisir individuellement les molécules, ferait à volonté passer, sans travail, de la chaleur d’une région froide à une région chaude. Mais, tant qu’on se bornait à faire intervenir des molécules invisibles, il demeurait possible, en niant leur existence, de croire à la rigueur parfaite du principe de Carnot. Cela ne serait plus raisonnable, à présent que cette rigueur se trouve en opposition avec une réalité sensible. L’importance pratique de ce principe n’est d’ailleurs pas atteinte, et je crois n’avoir pas besoin de vous assurer qu’il serait imprudent de compter sur le mouvement brownien pour élever les pierres destinées à construire une maison.

4. Revenons à l’hypothèse moléculaire. Comme vous savez, aussitôt qu’on l’admet, on est conduit à admettre l’existence d’atomes par diverses considérations de chimie et particulièrement par l’étude des substitutions. Quand, par exemple, on dissout du calcium dans l’eau, on chasse seulement la moitié de l’hydrogène qu’elle contient. L’hydrogène de cette eau et, par suite, l’hydrogène de chaque molécule se compose donc de deux parties distinctes. Aucune expérience ne conduisant à en distinguer davantage, il est raisonnable de penser que ces deux parties sont insécables par tous les moyens chimiques, ou, d’un mot, que ce sont des atomes. D’autre part, toute masse d’eau, et par suite toute molécule d’eau, pèse 9 fois autant que l’hydrogène qu’elle contient ; la molécule d’eau, qui contient 2 atomes d’hydrogène, pèse donc 18 fois plus que l’atome d’hydrogène. De semblable manière, on établirait, par exemple, que la molécule de méthane pèse 16 fois plus que ce même atome d’hydrogène. On peut atteindre ainsi, par voie purement chimique, en passant par la notion d’atome, le rapport 16/18 du poids de la molécule de méthane au poids de la molécule d’eau.

Or, ce rapport 16/18 est précisément celui des masses de méthane et de vapeur d’eau qui occupent le même volume à l’état gazeux