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Sur un électromètre monofilaire de grande sensibilité

Par Mme Éliane Montel, M. Ouang Te Tchao et Mlle P. Pannetier.


Sommaire. — On a réalisé un électromètre monofilaire perfectionné muni d'un fil à la Wollaston de 1 micron de diamètre, qui permet de déceler une charge de l'ordre de 3.10^(-15) Cb, soit un peu moins de 20.000 électrons. On décrit la technique de préparation de tels fils ainsi que les perfectionnements mécaniques de l'appareil. Enfin, on compare les divers types d'électromètres et l'on indique quelques conseils concernant leur utilisation.


1. On sait qu'un électromètre idéal exige, en plus de sa haute sensibilité à la charge et au potentiel, une période courte, un zéro stable, insensible aux vibrations mécaniques, aux fluctuations du voltage et de la température ; enfin, l'appareil doit, autant que possible, être robuste, de construction et de maniement simples, et ne pas présenter de trop grandes difficultés de réglage. Parmi les divers types couramment utilisés dans les laboratoires, nous n'en connaissons pas qui remplisse à la fois toutes les conditions énumérées ci-dessus. Il appartient aux chercheurs de choisir dans chaque cas le modèle le mieux adapté à l'ensemble des conditions de leurs travaux. Au cours de nombreuses expériences effectuées à l'aide des électromètres les plus sensibles, l'un de nous a pu comparer les avantages et les inconvénients de ces divers appareils. On a utilisé neuf types d'électromètres appartenant aux quatre groupes suivants :


  • 1) Electromètre à quadrants : types Dolezalek, Beaudoin[1], Compton et Lindemann ;


  • 2) Electromètre à binants : type Hoffmann ;


  • 3) Electromètres monofilaires : types Wulf, Pohl et Edelmann ;


  • 4) Lampes électromètres.


Bien que l'électromètre Dolezalek soit très robuste et de réglage simple, il est loin d'être suffisant pour les mesures de très faibles courants. L'électromètre Beaudoin, de sensibilité analogue, présente quelques perfectionnements, notamment un petit électroaimant qui permet une mise au sol facile et un quadrant mobile qui permet de corriger la dissymétrie mécanique. Contrairement à l'opinion généralement répandue, la sensibilité à la charge du type Compton n'est pas considérable : d'après notre expérience, avec une suspension de 3 microns, elle est très peu supérieure à 10^(-4) u. e. s./mm ; quant à la sensibilité à la tension, de l'ordre de 5 m/V, elle peut dans les meilleures conditions, atteindre une dizaine de mètres par volt et même au delà, mais la mise au point est alors très délicate et le socle doit être extrêmement stable pour que le zéro soit fidèle : par exemple, une tablette murale en chêne massif, même très soigneusement installée, peut se déformer suffisamment sous l'influence d'une variation des conditions extérieures, pour provoquer un déplacement du zéro. Les principaux avantages du Lindemann consistent dans la possibilité d'utilisation en position quelconque et la faible durée de la période ; par contre, la sensibilité est souvent insuffisante ; de plus la suspension, constituée par un fil de quartz de 6 microns recouvert de métal pulvérisé, perd parfois assez vite à l'usage son revêtement conducteur, d'où nécessité de réparations plus ou moins fréquentes. L'électromètre le plus sensible est le modèle Hoffmann qui permet, en principe, de déceler une charge d'environ 1000 électrons, soit 5.10^(-7) u. e. s. par division ; mais ce degré de sensibilité implique des précautions très délicates et longues dans le réglage : par exemple, la nécessité d'opérer sous pression réduite et d'équilibrer deux séries de piles étalons par des systèmes de commande relativement compliqués ; en pratique nous avons pu, dans des mesures soignées effectuées sur les électrons de conversion interne du radioactinium[2], mesurer un courant de 200 électrons par seconde. L'inconvénient des lampes électromètres est le lent déplacement continu du spot, superposé à de petites fluctuations inévitables (bruit de fond). Grâce au progrès de la technique des lampes et au perfectionnement des circuits de compensation, on arrive cependant à réduire beaucoup cet inconvénient, mais il reste très difficile d'obtenir une grande stabilité pour des résistances supérieures à 5.10^(11) Ohm. Néanmoins les lampes électromètres rendent de grands services en raison de leur haute sensibilité, comparable à celle du Hoffmann, et de la facilité de leur mise en place. Les électromètres monofilaires tels que ceux de Wulf et de Pohl ou d'Edelmann présentent des qualités intermédiaires entre celles des divers modèles précédents : robustesse, période courte, stabilité de zéro, simplicité du réglage sont autant de qualités précieuses pour la mesure des faibles charges ; cependant, nous avons eu l'occasion de constater que dans ces appareils, certains défauts de

  1. Charles Beaudoin (1845-1916), constructeur d'instruments scientifiques. Cf. Denis Beaudoin, Charles Beaudouin, une histoire d'instruments scientifiques, EDP Sciences, 2005.
  2. Ouang Te Tchao, Jean Surugue et Mlle Marguerite Perey, Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des Sciences, 1944, 218, 190.