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ANNÉE 1899

Lundi 30 janvier.

Je regrette la musique comme une personne morte.

Ah ! comme les vieux airs qu’on chantait à douze ans…

Je crois ma mémoire prodigieuse à cet égard. Je n’ai pas perdu une mesure de ce que j’ai entendu ; je conserve la gamme très juste, en m’appliquant je retrouverais bien la chromatique, puis tous les arpèges, la note isolée… Alors je lirais la musique comme une langue de plus.

On apprend aux jeunes filles à tout mépriser, se consoler de tout : beauté, fortune, ambition, grande passion. On ne leur laisse même pas l’exaltation de la piété. On leur enseigne le dévouement de tous les jours, « celui qui n’a pas besoin de grandes occasions », sans se douter que leur dévouement n’est peut-être pas ce dont les autres ont besoin.