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journal de marie lenéru

est de sentir qu’on n’a pas tout dit ? J’agrandis mon sacrifice de tout ce qu’il me fallait et que nul ne soupçonne que j’ai perdu.


Brest, 26 juillet.

Quand on regarde sa vie du point de vue des autres, en l’aveuglant des ambitions qui la rendent tolérable, on tressaute de son abjection.

Jamais je ne capitulerai. D’autres à ma place se résigneraient par hébétement, croiraient à l’impossibilité : ces dix années d’horreur me hantent au contraire, elles m’excitent.

Je ne me vois que deux avenirs : une stalle dans le chœur d’une abbaye bénédictine, ou bien un de ces grands talents qui donnent toutes les pairies. Un pis aller ceci ! mais il n’est pas facile de faire volte-face et de trouver l’équivalent de la grande sainteté.


29 juillet.

Cette faculté d’imaginer immédiatement ce qui pourrait, ce qui aurait dû être à côté de ce qui est, est si anormalement développée chez moi que je n’hésite pas à en faire ma propriété essentielle. De là, extrême