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journal de marie lenéru

Rentrée, lu, à la lumière dorée des stores, la vie de Nathalie Narishkine. Pendant dix années, au séminaire de la rue du Bac, elle écrivit, dans toutes les langues, à leurs religieuses du monde entier, et quand son beau-frère, l’amiral autrichien, se mit à promener les escadres de son pays, il découvrit que tout autour du monde on connaissait la sœur Nathalie : une charge de cardinal-secrétaire d’État. Elle eut une amie religieuse à Vienne, elles avaient fait le sacrifice de ne jamais chercher à se revoir, quand un hasard les réunit de chaque côté de la grille ; l’une pleurait, l’autre riait. « S’il y a peu d’amour sur la terre, c’est moins parce que les cœurs refusent d’aimer que parce que la plupart des humains refusent de mériter l’amour. » (Père Gratry.)


9 mars.

Le châtiment le plus décourageant que Dieu pourrait m’infliger serait de me guérir aujourd’hui. Le seul témoignage que je puisse me rendre, c’est que, dans les moments de plus grande fatigue, quelque chose m’a toujours tenue attachée à cette épreuve et, m’eût-on offert le moyen d’en être délivrée sur-le-champ, j’aurais beaucoup réfléchi avant d’accepter.

Dieu m’a ouvert, toutes grandes, les portes du monde