Page:Journal de Marie Lenéru.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
année 1896

« On s’imagine presque toujours que tout est perdu quand on est jeté hors du chemin battu ; c’est seulement alors qu’apparaissent le vrai et le bon. Tant que dure la vie, le bonheur existe. » (La Guerre et la Paix.)

Où j’en suis ? Deux voies : découragement et scepticisme absolus, — foi et vocation passionnée pour tout ce qui arrive. « Personne ne me prend ma vie, je la donne librement. » Avancée assez loin sur la première voie, elle m’a assez ôté et n’a plus je crois rien à m’apprendre. Après tout je veux vivre, trouver au moins un spécieux prétexte à une activité nécessaire.

Voici mes intentions :

Pouvoir me rendre cette justice que je n’ai pas négligé le moindre lumignon dans mes ténèbres.

« Mettre de la sincérité dans mon âme » si nécessaire et si difficile que, pour arriver à ce grand calme, je dois « faire abstraction » de la vie.

Décider que l’existence n’a pas commencé pour moi, libérale part du feu. Je suis dans un lieu indéterminé de l’espace où le temps n’est mesuré qu’au mouvement de la pensée, de la vie intérieure qui s’accroît exactement de ce qu’elle dépense. Cette situation durera autant que j’en aurai besoin pour prendre une décision morale. Alors facta exit lux et la terre commencera.

Donc, une résignation provisoire.

D’ailleurs loin d’être un vain mot, car si le chemin