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journal de marie lenéru

Mais aujourd’hui, j’abuse, nul à ma place n’éprouverait ce que j’éprouve de détresse et d’ennui, surtout d’ennui de tous les instants.

Et cela à la seule époque où il vaille la peine de vivre ! À l’époque dont le souvenir doit consoler du reste. Je n’aurai jamais d’autre jeunesse que celle-ci. Voilà ce que mon enfance a tant attendu : Quand je serai grande !

Je travaille trop et je m’ennuie. Je me suis rebutée à force de me refuser le temps de lire. Il me faudrait une heure environ par jour pour écrire et réfléchir. J’ai voulu trop monastiquement la règle. J’ai déshabitué mon esprit de faire un pas en liberté. Je me sentais bien plus vivante il y a trois ou quatre ans, quand je ne travaillais, ni ne lisais.

Il en est résulté que je ne sais plus ce que je veux et que je m’intéresse moins à ce que je fais.


Fouras, octobre 1894.

J’ai besoin de regarder tranquillement, non seulement l’épreuve actuelle, mais l’épreuve passée, ce fantôme que j’ai derrière moi. Je n’ai qu’un moyen : « me venger à mériter le bonheur du sort qui ne me le donne pas ».

Que ferai-je pour cela ? Dieu merci, j’ai assez de