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ANNÉE 1894

Brest, janvier.

Il n’y a qu’un fléau : le découragement. Je ne pense pas seulement à la désespérance qui embrasse toute une vie, mais à ces lassitudes de tous les jours qui s’étendent à une période, à une heure. On ne désespère pas de l’ensemble, et pourtant, dans le détail, si l’on faisait la somme des moments sacrifiés, on approcherait bien du tout.

Celui qui, devant Dieu, peut sacrifier une seconde, a-t-il à se plaindre de la brièveté du temps ? Allez, il est encore trop long pour vous !

Il y a quelques années j’étais remplie de courage ; mais, réellement, était-ce alors une épreuve ? Je ne croyais pas à la durée, au temps, ce maître de toutes les énergies. Il y a eu une époque où je m’étonnais de sentir si peu le poids de l’épreuve, en y puisant une excitation qui approchait presque du contentement.