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XLII
PRÉFACE

mille le romantisme, sont inélégantes et banales. Mais quelle est loin de s’immobiliser dans cette attitude. À tout instant l’angoisse intérieure se trahit et si parfois son sanglot s’éteint dans un sourire, toujours un sourire se termine en sanglot. L’instinct qui jamais n’abdique devant l’esprit et se montre d’autant plus impérieux que l’âme se vante d’être plus affranchie, l’instinct lui prodigue les troublantes images, parmi lesquelles la seule, dont elle nous convie à partager la contemplation, est noble :

« Je marcherais à côté d’un homme élégant et spirituel comme moi… Double rire, nos grandes tailles le secouant par le chemin comme un balancé de quadrille… Ailleurs : — Il est délicieux de passer en public avec un être, homme ou femme de votre race et de votre allure. C’est surtout dans la marche qu’on jouit de ces affinités… Bien en dehors de l’amour, le réseau sensuel des sympathies physiques nous emmaille, nous isole ou nous relie… Et enfin : — Je me représente l’amour comme une concordance exceptionnelle du mouvement, le miracle de l’étoile double. »

Mais de pareilles visions ne sauraient suffire aux exigences de son imagination. Elle voudrait tant de choses que l’argent seul pourrait les lui procurer : — La fortune, moitié du bonheur. Elle l’embellit telle-