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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

hautes découvertes commencent toujours par une réforme de vocabulaire. — Tant que nous parlerons « d’éléments déchaînés », il n’y aura évidemment qu’à nous croiser les bras. Mais s’il s’agissait d’une simple étude psychologique, un critique de goût hausserait les épaules et prierait l’écrivain de rechercher le terme juste. Qu’est-ce qu’un élément humain qu’on déchaîne sous peine de mort ? Un élément qui obéit à vos lois obéirait bien aux miennes.

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Ce qui me révolte dans la guerre, c’est que je n’ai pas rencontré l’obstacle sérieux à combattre, c’est que ce fléau monstre n’est qu’un moulin à vent ; quiproquo sinistre. À qui fait-on plaisir ici ? Je sais bien qu’il y a les fournisseurs, et les profiteurs de la guerre, mais tout de même, sans le quiproquo de la raison d’État, ce n’est pas pour eux qu’on signerait un décret de mobilisation générale. Chacun pousse des cris devant l’incendie, chacun voit brûler sa maison, et tous les bras demeurent inactifs parce que du consentement universel, on a dit : « Il est certain que l’eau n’éteint pas le feu », et tout le monde est resté foudroyé de cette évidence. Je n’exagère pas, ici il est impossible d’exagérer.

La raison pour laquelle l’homme est rarement un génie dans les sciences et dans les arts : l’absence d’originalité, son incapacité à ne pas répéter autrui, et