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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

tique devant les réalités de la paix, le pas accompli sera déjà énorme.


16 juin.

À Henriette. — J’avoue que je trouve ces admirables morts plus déchirants encore que les autres. En ce moment on se demande comment on pourra survivre. Il est à la fois abominable et heureux, que la capacité de souffrir soit si limitée en ce monde. Mais aussi, c’est à ceux qui comprennent de souffrir pour les autres, à la manière de notre chère sainte Thérèse, pour que soit payée l’effrayante dette de douleur que nous lèguent les champs de bataille ; dette collective qu’on s’épouvante de voir si légèrement ressentie par les épargnés. Devant la guerre ils ne vont pas plus loin que les banales exclamations.

Tout le monde est d’accord, soit, « tout le monde veut la paix », mais il ne faut pas dire : « on ne diffère que sur le choix des moyens », ce n’est pas cela : « il y a ceux qui veulent organiser la paix définitive, et ceux qui sont convaincus que c’est une utopie ». Il est assez clair que ce n’est pas avec ces tempéraments-là que nous ferons jamais la paix : Ah ! devant la différence des réactions dans l’épreuve commune, comme on comprend la différence des destinées individuelles.