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ANNÉE 1916

« Plus nous nous heurterons aux difficultés, plus s’en exalteront nos énergies ». Il est temps que vous fassiez connaissance avec le pacifisme à poigne, au lieu de vos épanchements en ces livres bavards sur les « guerres de races » et les « guerres de culture ». Le cerveau de l’homme est inépuisable quand il s’agit de donner un sens à ce qui n’en a pas. Oui, nous sommes un animal très intelligent, et l’histoire et la politique sont d’incomparables terrains d’exercice pour l’assouplissement de nos esprits. On finit par être las des faits, des faits qui nous donnent toujours raison et qui confondent l’adversaire, et cela avec une égale vérité de part et d’autre. On peut tout dire, les vérités les plus contradictoires, « à la lueur des faits », deviennent la vérité également plausible, également frappante pour peu qu’un homme d’esprit s’en mêle. Tout est facultatif ici, et interchangeable. Alors je m’embarque carrément pour là où je veux aller à la Frédéric II, il y aura toujours assez d’historiens, de sociologues, de politiques et d’économistes, pour prouver ensuite, quand j’aurai fait ce qui m’a plu, que la « lueur des faits » et « la loi de l’histoire » annonçaient mon succès.

À M. S… — En fait de libre échange, je n’en demande pas plus que vous ne m’en dites. Le jour où il sera bien avéré que la guerre est un monde factice, sans autre fin qu’elle-même, sans aucune utilité pra-