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ANNÉE 1916

élevée, je me suis sentie aimée d’eux, bien plus qu’il n’est d’ordinaire à une nièce de le faire. La seule partie sans ombre de ma vie est celle que j’ai passée dans leur maison. Il n’y a pas de jour que je ne revoie ce soleil de la salle à manger qui nous réunissait, soleil qui passait sur le port, la rade, le château, la Pointe espagnole, le phare de Ste  Anne, le Goulet. C’est un souvenir ému, vivant, quotidien, et plus je vois la vie, plus je comprends la supériorité qui était en eux, et dont vous êtes les si parfaites héritières, aussi pour moi, mes chéries, vous êtes tabou.

À M. S… — Tous, hommes de science et de pensée, vous me faites l’effet d’hérétiques. Vous discutez des points de doctrine, mais jamais, jamais la doctrine. Vous discutez de la guerre, mais pas la guerre. Sur tous les autres points, vous nous avez habitués à une attitude toute différente. Religion et science — deux ordres de faits si positifs ! — vous avez fait de tout une question. Devant la guerre seule, vous êtes des croyants, à moins que… à moins que vous ne disiez pas tout.


27 mars.

Mme D… — Verdun a beau tenir bon, ce n’en est pas moins un cauchemar. On me dit que nous avons aussi les flammes et que nous avons fait 900