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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

et le devoir est venu dans le sens de leur choix. Ils ont été gâtés ! Mais nous, nous devons lutter avec l’ange et nous déprendre de la terrible nostalgie. Si la guerre est si puissante sur nos cœurs, ce n’est pas qu’elle flatte nos vices et nos appétits, mais elle aura été probablement le plus grand idéal humain, comme elle en est le plus coûteux.

« La qualité maîtresse pour l’instant, c’est le sang-froid, non l’enthousiasme. En général, les minutes précédant l’attaque sont ce qu’il y a de plus silencieux, même de plus morne. Les hommes méritent une forte sympathie plutôt qu’une admiration béate. Chacun fait son devoir ici d’une manière adaptée à son tempérament et c’est tout. L’effort est à peu près constant dans toutes les natures. » Lucien Lobbé.

« J’ai la hantise des premiers tués que j’ai vus à mes pieds. Dans la tempête on y prend moins garde, mais quand on y réfléchit avec calme on en sait toute l’horreur. La mort, telle que la conçoivent les philosophes, la libération de l’âme, c’est sublime ; mais une tête trouée par une balle, une cervelle en bouillie, un cadavre inondant de sang un boyau, un homme sans face râlant pendant deux jours… »

À Puech. — J’ai lu dans je ne sais quelle église, quel sanctuaire que je visitais, cette inscription : « Il n’y a pas un lieu plus saint par toute la terre ». Je vois cet exergue flamboyer sur Verdun.