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ANNÉES 1914-1915

soit un luxe suprême de notre humanité, mais que plus une âme ne consente à la revoir deux fois !

À Renée de V…

À Mr de Curel, — Voilà Robert d’Humières tombé, avec quelle admiration exclusive nous avions parlé de vous ! — Je pleure les jeunes gens. Quels cœurs nous restera-t-il à faire vibrer, lesquels battront encore pour nous après cette décourageante consommation de la mort ? Et pourtant il faut continuer, demeurer cette petite parcelle de France qu’est notre activité, se donner un prétexte à vivre, une raison de conserver ce qui est enlevé à tant d’autres. Il y a des moments où j’ai envie d’aller m’enfermer dans une cartoucherie, comme dans un couvent.


7 juin.

À Jean, — Tu es heureux d’être le témoin de cette magnifique époque. Elle agira sur toi toute ta vie, et te communiquera son énergie, quand le jour, lointain encore, sera venu, de lutter dans un bien autre sens, et de nous opposer, comme si cela dépendait de nous seuls, à ce qu’elle puisse jamais, sur la terre, se représenter deux fois. — Luxe admirable de dévouement, mais auquel il faudra, dans l’avenir, nous opposer par les plus farouches lois somptuaires.