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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

ils m’ennuieraient, si l’on ne considérait comme un devoir d’être à toute heure avec ceux qui combattent.

Toute la vie politique, qu’elle s’appuie sur la guerre ou non, me paraît aujourd’hui, tellement artificielle, conventionnelle et superstitieuse que c’est comme un décor tombé. Il ne fallait pas sacrifier à ce mythe, « une collectivité » la seule réalité au monde : les individus, et l’on aurait pu, sans en remarquer la gratuité, laisser les hommes politiques jouer à la raison d’État, et surtout, oh ! surtout à cette première affaire dans le monde, qui nous vaut les massacres d’aujourd’hui. Ô bourgeoisie métaphysique, « soutenir son rang de grande puissance ». Lisez le prince de Bulow, lisez le manifeste autrichien — 30 juillet, je crois — vous n’y trouverez pas autre chose, si ce n’est qu’il faut « soutenir dans le monde son rang de grande puissance »… C’est à dire obtenir dans les traités de commerce concernant la camelote et l’épicerie « le rôle de la nation la plus favorisée ».

Infatuation de diplomates qui jugent que les succès ou les échecs de leur spécialité sont les affaires d’honneur des peuples ! M. de Bulow se plaignait que les Allemands ne s’intéressent pas assez à la politique mondiale, c’est à dire à sa partie d’échecs. Ô prince des orfèvres !

Époque admirable qu’on peut accepter d’avoir vue à la condition qu’elle ne se répète jamais. Qu’elle