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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

y a un Dieu ou il n’y en a pas ». C’est l’individualité telle qu’un croyant seul peut se la représenter…

À Madame D…

Oh ! madame, comment croyez-vous qu’une chose aussi artificielle que la guerre moderne, doive être acceptée comme une possibilité inéluctable ? Ce que je trouve le plus désespérant là-dedans, c’est précisément la gratuité du cataclysme, à moins que ce ne soit cette phrase de perroquet par laquelle on s’y résigne : « Tant qu’il y aura des hommes, etc… ».

Ou alors si vous croyez à la fatalité du vice humain de la guerre, pourquoi rechercher des responsabilités ? Soyez mystique jusqu’au bout. La vérité est qu’il n’y a pas eu de guerre en Europe depuis 500 ans, que très peu de chose dans la cervelle d’un seul ou de quelques-uns, aurait suffi à éviter. Une vieille routine diplomatique, voilà ce qu’est aujourd’hui la guerre. Le meurtre, oui, est dans la nature humaine, mais pas le meurtre sans plaisir. Les gouvernements le savent bien, qui ont dû prendre assez de mesures coercitives pour rendre le service militaire obligatoire.

Ce qu’il y a de désolant chez nous, c’est qu’on ait fait du pacifisme le synonyme d’antimilitariste. Ce que je regretterai dans la guerre, c’est le soldat. Mais considérer comme une « utopie » que les gouvernements — je ne dis pas les hommes à qui l’on ne demande pas