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XXXI
PRÉFACE

guère faire de lecture de piété, les livres de messe étant écrits trop fins. Comme lecture édifiante, j’ai la correspondance du père Lacordaire et de Mme Swetchine (j’en parlerai plus loin). »

Le journal n’avance plus que par bonds très irréguliers. Nous sommes au 19 juin :

« 14 ans. Est-ce assez singulier, je n’ai pas écrit une seule fois mon caractère, le récit de ses actes ne suffit pas seul à se faire connaître, il faut aussi savoir quelle disposition vous a poussé à les accomplir ; me voici telle que je me connais en toute franchise : pas précisément orgueilleuse, je veux dire que je ne me préfère pas aux autres, mais cependant je suis très portée à m’élever au-dessus d’eux, au dessus de ceux que je n’aime pas et que je crois inférieurs à moi-même, généralement au dessus de tous ceux que je ne connais pas ; il me semble que c’est plutôt de la fierté très outrée, par conséquent approchant bien plus de la vanité que de l’orgueil parce que je préfèrerais être la dernière dans une société très choisie que la première dans n’importe laquelle ; chez moi c’est surtout l’orgueil de l’esprit, quand je me compare s’entend, car quand je m’examine je me dis que cet orgueil naît d’une intelligence médiocre et je ne me confie en rien dans mon intelligence dont je reconnais toute la fragilité ; quand je pense que si telle était la volonté de Dieu je