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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

devant mes interprétations : « Eh bien, il faut dire cela ». Eh ! non, il ne faut pas le dire ! Il n’est pas nécessaire à ma pièce que vous tombiez exactement sur cette interprétation-là. Moi-même, en l’écrivant, je n’y pensais pas du tout. Et il importe extrêmement à ma pièce qu’elle ne contienne pas de définition et d’explication d’elle-même. Elle doit se suffire. S’il faut me souligner de légendes ; « Ici, il y a une forêt », elle est ratée, il ne faut pas une phrase qui tire autour du personnage de son côté, « Mais, direz-vous, on ne comprendra pas »… Mais, je vous prie, que voulez-vous comprendre ? Il n’y a pas de « mot », ma pièce n’est pas une charade. Je vous raconte une histoire qui se tient très bien, je parle en bon français, voilà toute la clarté que je vous dois. Ce que je pense de l’affaire, cela ne vous regarde pas. Je ne l’ai dit nulle part, et, c’est ce qui vous déroute. Je crée une atmosphère : Réagissez comme vous voudrez, ou plutôt, comme vous pourrez. Une œuvre profonde n’est pas un problème à résoudre, ni peut-être même à poser, et croyez-moi, la pièce n’est pas plus obscure que le soleil, si ce n’est dans les raisons dernières de ses fins, que son auteur ne vous a pas dites, et qui n’empêchent pas le soleil de briller. « Oui, mais quand vous m’expliquez je comprends. » Très bon cela, mais rappelez-vous que la lunette doit être braquée du dehors, et que ce n’est pas au soleil à grossir ses effets,