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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

l’œuvre et l’auteur m’ennuient et la littérature des hommes et des femmes, qui ne sont pas supérieurs, quelles que soient les consécrations, me paraîtra toujours du néant à cause de ce vide de la phrase.
Il faut avoir éprouvé au même degré que moi le besoin d’être distraite et la fatigue des lectures inutiles, pour comprendre mon impossibilité physique à lire une phrase insignifiante.


20 juin.

Maman me fait toujours recommencer mes lettres d’affaires à mes directeurs ou autres. Elle dit que c’est d’une indifférence telle, qu’elle se demande si ce n’est pas une pose et que, si je m’en fiche à ce point-là, ce n’est pas la peine de rien faire. Il est évident que je ne m’en fiche pas, puisque je le veux et que si mon indifférence me semblait apparente, je la jugerais maladroite. Mais je fais cela de si loin ! M’en réjouir ? Je n’ai pas la réjouissance aussi facile.

Des résultats isolés ne peuvent pas grand’chose dans une vie. Maintenant que me faudrait-il pour être satisfaite, pour sortir de mon régime à l’ennui ? Pas le bonheur assurément, pour moi il ne serait pas à l’échelle, et l’amour comme on le chante et comme on le décrit, comme on le vit par-dessus tout : la plus ennuyeuse des choses ennuyeuses.