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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

Et puis la vie à l’hôtel, ne fût-ce que par sa distraction, oui, la distraction que procurent même les gens qui vous ennuient, me sera excellente.

Il faut absolument recevoir des impressions de l’extérieur, chez moi elles manquent trop, et le bonheur me fait moins défaut que la distraction. Ceci bien entendu, je trouve qu’on a le droit de dire, qu’on a besoin d’être entouré et que « le désir de la solitude vaut mieux que la solitude ».


7 mai.

J’affirmais à Andrée que, mes constatations faites, la tristesse était un genre d’imbécillité. Oui, c’est la tristesse, au fond, qui a raison, mais ce ne sont pas les gens tristes qui ont inventé la tristesse, ils ne sont pas ceux qui la connaissent le mieux. Tout ce qu’on porte sur le visage est vain. « Avoir l’air triste » n’est pas une nécessité de la tristesse : c’est se souvenir de la galerie. La vraie tristesse n’a pas d’expression.

Que d’autres cherchent l’air des bois, de la montagne.
Et la brise des Océans.
Je m’enfonce dans l’ombre où nul ne m’accompagne.
Je respire chez les géants.