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ANNÉE 1903

5 janvier.

À « Théroigne », Dieu me pardonne, je me suis amusée ! Voir aller et venir ces grands gaillards d’acteurs, la canne de Sieyès et les gants de Péthion… Voilà des choses qui pour moi ne seront plus jamais ce qu’elles sont pour les autres. Il ne s’agit pas seulement du « frisson historique » bien que j’y sois sujette au point que Molière — et dans le Médecin malgré lui ! — eût manqué me faire sangloter sur le devant de la loge. C’est le frisson de la vie, et pas en artiste, pas en esthète, en morte ! J’apporte au monde des émotions de ressuscitée.

De Quincey, à propos de ses cauchemars, parlait des foules qui l’obsédaient, de la « tyrannie de la face humaine ». Or, elle m’a manqué à moi, dans la proportion où elle le poursuivait, la face, la figure humaine. Je les ai tous aimés hier, hommes et femmes, d’être