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ANNÉE 1902

dunette, n’ayant devant les yeux qu’une masse noire et sans vie, je voyais tout à coup les ténèbres s’animer, une vive lueur rose ouverte éclairait l’horizon et, sur le fond gris de plomb du ciel, se détachaient vigoureusement les mille cordages des deux mâts de l’avant. Dans leurs dédales on voyait distinctement les gabiers travailler à tout disposer pour dégréer les vergues d’hune. Puis, entre l’œil et les mâts, une véritable nappe d’eau tourmentée, flagellée par le vent, si épaisse que la lumière seule des éclairs pouvait la rendre diaphane. »

En littérature il aime ceux qui savent « élever un détail à la hauteur d’un fait ». A-t-il lu ça quelque part ?

La marine en 1866 était plus aristocratique qu’aujourd’hui. Il y avait à bord de la « Guerrière » un Chabannes, un Turenne, un Borghèse et, au fort de la Montagne, au Japon, un Mortemart. La vérité est que les analogies entre la marine et l’armée sont nulles. Les officiers de marine sont, en premier lieu, des explorateurs très mathématiciens et très géographes, accompagnés il est vrai d’un matériel de premier ordre dont ils savent se servir. Mais s’ils ont du goût pour les canons à tir rapide et une générale prédilection pour les torpilles, c’est en somme, en curieux, en érudits, en collectionneurs fiers de leur galerie.

Et surtout, ils sont des diplomates et presque des