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ANNÉE 1901

Des demi-phrases, à peine une mesure de l’orchestre. Ces souffles de tout le Roi d’Ys.

Et les souvenirs d’enfance, les déchiffrages à quatre mains de Mendelsohn, le Retour au Pays, les Grottes de Fingal, Athalie ! Du Trez-Hir à Brest l’emballement de Ruy Blas ne m’a pas lâchée…

Puis c’est tante Alice, pendant que nous, les petites filles, nous nous tirions comme nous pouvions du whist de tonton Albert. Je suis grondée comme inférieure à la situation parce que je l’écoute qui commence en murmures : « Guide au bord de ta nacelle, ô fille du pêcheur… » de son contralto simple et chaud comme une voix de peuple et maman, toujours en murmures avec son bel organe savant, prend la tierce et continue.

Et cet Ave Maria de Schubert que je m’arrangeais pour piano, comme les échos d’Allemagne d’ailleurs. Et maman qui s’était tant fait prier, un jour qu’elle m’essayait une robe, pour m’indiquer vaguement, sans paroles, avec des arrêts continuels et ma peur qu’elle ne finisse pas, le célèbre Adieu que j’étais ennuyée de ne pas connaître, je ne l’ai entendu qu’une autre fois, joué si nerveusement, si ridiculement par ma chère M. L.

Et rien, rien de Wagner, sauf une marche de Lohengrin.

Maman en chantait déjà pourtant. C’est peut-être