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JOURNAL DE MARIE LENÉRU


Dimanche 23 juin.

Moralité de mon footing au pas accéléré pour m’emballer un peu le moral. N. - B. : vous devez toujours avoir la fièvre sous peine de mort. Résolution pratique : Ne jamais penser à ce à quoi je ne puis rien — santé, faute d’argent — pour me déshabituer de l’obstacle de la défaite, et surtout de la patience, de tout ce fatras d’attentes qui mène à l’innervation. Ne vouloir exister que sur le point où l’on peut agir, car la volonté se détruit dès que, pour allié, elle accepte le temps. De suite on lui laisse tout faire. Ne compter que sur soi, ne compter pas même sur le temps.

À méditer demain 3/4 d’heure pendant ma promenade du matin : «  Pour obtenir la victoire sur les hommes et sur les choses, rien ne vaut la persévérance à s’exalter soi-même et à magnifier son propre rêve de beauté et de domination. » (Le Feu).

Je ne passe jamais devant un puits sans regarder soigneusement au fond. C’est une des plus belles sensations de la vie. Un recueillement si instantané, un autre monde si invisible et si près… On dirait brusquement un grand silence, impression toute morale de la profondeur.

Les trois calamités humaines : bêtise, laideur et lenteur.