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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

donne le contour le plus sec à la vie ? L’auteur est supprimé, la description, le récit, tout ce qui n’est que forme grammaticale.


18.

Je ne peux plus lire : du procédé partout. On ne peut éviter les manies spirituelles. Oh, les anges, les lampes et les portes de Maeterlinck ! Les miroirs, les vitres, les lustres, les cloches de Rodenbach ! Les flèches, les heures, les désirs et choses « décochées » de d’Annunzio. Un roulement de métaphores — voilà de quoi nous vivons. Cela prend des naïvetés d’antithèses faciles, des enfantillages de jeux de mots… Et voilà ce qui nous emballe !

Un mot, une syllabe est la clef du ciel littéraire : Comme. On l’escamotera, mais son esprit veillera sur chaque renouvellement de phrase. Et, si un pape littéraire s’avisait de mitiger l’observance de ce « comme », tout péricliterait, il n’y aurait plus de style. Car la méthode en lettres est la même qu’en sciences : classer, trouver des rapports. C’est la même opération de l’esprit qui trouve les belles métaphores et les belles découvertes mathématiques.

« Car, dit Laplace, Les découvertes consistent en des rapprochements d’idées susceptibles de se joindre et qui étaient isolées jusqu’alors. »