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ANNÉE 1900

sur la terre. Personne ne semble ému de laisser dans la mort tant de possibles qui nous effleurent, nous éventent de leur fuite, qui pourraient être nous, le plus beau de nous-mêmes et qui ne seront jamais.

Il n’y a dans la vie que ce qu’on met dans l’instant. Nous sommes trop lents, il faudrait apprendre à vivre à poids égal dans un mouvement de plus en plus rapide, pour voir jusqu’où cela irait… « Je la veulx étendre en poids, je veux arrester la promptitude de sa fuyte par la promptitude de ma saisie et par la vigueur de l’usage compenser la hastifveté de son écoulement… à mesure que la possession de vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine. »

Est-ce tout ce que je souhaite à la veille de mes 25 ans ? Non, et les choses intérieures ne suffisent pas plus que les autres. Elles ne sont pas plus sérieuses. On peut en avoir un peu plus d’orgueil, c’est leur aigre supériorité.

Résolutions :

Je lirai moins. Je méditerai tous les jours ici sur moi-même, ce sera l’examen de conscience.

J’écrirai tous les jours dès que je serai au Trez-Hir 3 heures de matinée, par hygiène, pour me fouiller complètement.

Avoir toujours, pour y mordre au besoin, un philosophe ou un savant quelconque, toujours des