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journal de marie lenéru

 

Et moi, j’ai tellement plus à venger !
               Il suffit à mes destinées
       Des deux leçons si rudement données.
              J’ai compris comme tu voulus,
D’autres enseignements y seraient superflus.
À tes îles d’or, noir de cyprès couronnées,
       Puissent mes séjours être révolus.
Douleur je ne veux pas être un de tes élus…


Mercredi 14 février.

À dîner R… me dit : « J’ai passé toute la journée à me demander si je voudrais être toi. » Mais je ne sais pas moi, je ne peux pas être moi !

Il n’y a pas de souffrance plus inhumaine que la surdité. Un aveugle ne peut vivre que par les autres, la matière disparaît, le contact s’établit d’âme à âme, il y a rapprochement. Mais dès que la parole disparaît, les êtres deviennent des choses. Lointains, détachés, d’un abord fatigant, ils ne peuvent rien pour notre bonheur.


Samedi 3 mars.

Je n’ai plus l’impression de mon âge. Je me suis tellement transportée au bout de la vie, je me sens contemporaine des femmes qui finissent, les jeunes