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prends sur le bonheur les idées que peut avoir un mourant après une longue maladie, il voit sa vie « dans ce lointain irrémédiable des choses qu’on regarde dans le passé ». Tout ce qui n’est pas le bonheur vrai, le bonheur intime et qu’on sent chaque jour, est insignifiant ; et le bonheur, c’est l’amour.

Quel que soit l’orgueil qu’on possède, il n’y a pas à sortir de là. À quoi bon valoir son orgueil si personne ne doit vous en aimer plus ?

Séduire, être séduit demeurera pour moi la définition de la vie. C’est pour avoir voulu la séduction la plus parfaite et pour l’avoir ressentie en elle, que j’ai cru d’abord à la Sainteté.

Comme Marguerite d’Angoulême « je porte plus que mon faix de l’ennui commun à toute créature bien née. »

Si je pouvais ne plus m’ennuyer, je ne souffrirais pas, mais il n’y a aucune exagération à dire que je ne cesse pas de m’ennuyer.

Je m’ennuie à la folie, je m’ennuie éperdument ! Et c’est ce qui me donne la fièvre, ce qui me rend si stupidement laborieuse. Car l’ennui est une inquiétude et nullement de l’apathie.

Je ne puis même plus imaginer ce qui me distrairait.

Je ne peux plus imaginer que des bonheurs tristes. Le grand bercement des voyages, voilà tout ce qui me tente. Qu’on me promène toujours comme