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journal de marie lenéru


20 juin.

Je suis si nerveuse, si saturée d’ennui, indifférente à tout… Je lis huit heures par jour et je me sens désœuvrée. Il y a des moments où je ne doute de rien. D’autres, par leur vacuité, devraient me faire mourir, comme un trou à l’âme, une chute dans le temps.


Brutul[1], 23 juin.

À force de lire des vies, des « journal », une mélancolie vous prend : toujours la fin par la torture, il n’y a qu’elle pour nous chasser de ce monde…

Quand je dis mélancolie !

Je ne veux plus d’un travail d’écolière. Il faut savoir tout ce qu’on veut savoir avant vingt ans. Après, respirer, voir, entendre, et surtout ne rien faire ! Je hais les gens dont on me dit « qu’ils ne perdent pas une minute ». « Il faut toujours qu’elle ait un ouvrage dans les mains ». Ah ! savoir ne rien faire…

Quand on me voit dans un fauteuil ou immobile en chemin de fer, on s’étonne : tu es malade ? Au

  1. Près de Lorient