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année 1899

dévots : « Le monde, le monde… » Et il faut qu’elle nous ait donné une certaine idée de la félicité, cette vie, pour que nous ayons tant de peine à ne pas être heureux, pour que la chose nous soit si fort désagréable.

Je vois la vie sans raison, sans espoir, sans merci, et je l’aime parce qu’elle est en somme tout ce que nous avons. Et puis, elle dure si peu !

Les suicidés sont des gens bien pressés d’arriver.

Quant à l’impassibilité et l’amour du néant, stoïcisme, bouddhisme, philosophie de la peur ! La mort ne vaut pas d’être une obsession. Elle est à sa place au bout de la vie ; ne l’en dérangeons pas.

Illusion pour illusion, j’aime mieux l’illusion brillante, et surtout l’illusion passionnée.

Quant à la paix ; elle est une joie que doivent imaginer fort mal, je l’espère pour eux, ceux qui l’appellent. Toujours, la suppression de la souffrance ; les humains ne vont pas au delà !


Vannes, 23 mars.

Je tiens immensément au physique. « Elle est bien laide, mais c’est une bonne fille » ; avec ce mot, j’entre aussi en défiance du moral que du physique. Il est moins facile à juger d’abord et je crois qu’il y gagne. Et puis, moralement la médiocrité suffit. Je suis nette-