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année 1899

Ces esprits forts qui font à Dieu son procès parce qu’il est trop humain ! D’où leur vient leur notion extra-humaine de la Divinité ?

Il n’y a pas de choses viles, il n’y a que des êtres bas.

Le Fontenellisme de mes émotions vient, je crois, de ce que je suis un être déterminé. J’ai vu venir la Destinée et je l’ai acceptée, ne pouvant faire autrement. Je sais ce qu’on doit à l’inévitable. Je dirais presque que cela m’est indifférent, comme une chose ne me regardant pas. Et il est curieux de voir comme ce qu’on accepte prend vite l’aspect d’une chose du passé.

J’ai de terribles protestations intérieures ; je suis très habile à me tourmenter et, avec cela, je jouis de bien des choses étranges. Si je tombais dans un précipice, je crois, Dieu me pardonne, que je goûterais la sensation extraordinaire de la chute à travers l’espace.


Jeudi 23 mars.

Les réveils surtout sont difficiles ; je garde longtemps les yeux fermés et je me souviens de la vie, de la vraie, celle dont j’ai vécu quatorze ans et qui m’a laissé plus de souvenirs que l’autre.

Je pense que je m’y réveille enfin, que je vais