Il eſt auſſi difficile de rendre compte
des Romans que l’on publie depuis une
dixaine d’années, qu’il eſt aiſé d’en produire
de ſemblables. Si l’on excepte un ou
deux Ecrivains échappés à la corruption
générale, on peut dire que ce genre de
Littérature eſt preſque anéanti parmi nous.
En effet, quand on a lu Richardson,
Fielding, les Romans de Madame de la
Fayette, de le Sage, de Madame Riccoboni,
la nouvelle Héloïſe, &c ; peut-on
reconnoître pour ouvrages du même genre,
ces tiſſus mal-adroits d’aventures invraiſemblables,
qui se ressemblent tous, qui
n’ont ni but ni morale, dans leſquels on
ne trouve pas plus de ſentiment que de
ſtyle, qui ne peuvent en un mot, ni amuſer,
ni instruire ? Cependant il faut convenir
qu’il y a des diſtinctions à faire, &
que quelques-uns de nos Romanciers modernes,
ſans s’élever à la hauteur de leurs
modèles, prouvent du moins qu’ils les ont
étudiés. Madame de Malarme, Auteur du
Roman que je vous annonce, eſt du nombre
de ceux qui montrent le plus de diſpositions
pour ce genre, peut-être trop
négligé aujourd’hui, & qui ſemble être
devenu la proie des Ecrivains ſans génie.
Vous vous rappellez ſans doute, Monſieur,