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JOURNAL D’UN BOURGEOIS DE PARIS

menistre de toute traïson de ladite bande, cruel contre le menu peuple autant que fut oncques tirant sarasin, et aux siens comme aux autres ; pourquoy il estoit assiégé.

29. Et sitost que ceulx de Paris sceurent que le roy estoit en la terre de ses ennemis, par commun conseil ilz ordonnèrent les plus piteuses processions qui oncques eussent esté veues de aage de homme : c’est assavoir, le penultime jour de may oudit an, jour de lundi, firent procession ceulx du Palais de Paris, les ordres mendians et autres[1], tous nuds piez, portans plusieurs sainctu[ai]res moult dignes, portant la saincte vraye croix du Pallays, ceulx de Parlement, de quelque estât qu’ilz fussent ; tous deux et deux, quelques xxxm personnes après avecques, tous nuds piez.

30. Le mardy derrenier jour de may, oudit an, partie des parroisses de Paris firent procession, et leurs parroissiens autour de leurs parroisses : tous les prestres revestuz de chappe ou de sourpeliz, chascun portant ung sierge en sa main et reliques, tous piez nudz ; la chasse sainct Blanchart, de sainct Magloire, avecques [bien] iic petiz enfens devant, tous piez nudz, chascun cierge ou chandelle en sa main ; tous les parroissiens qui avoient puissance, une torche en leur main, tous piez nudz, femmes et hommes.

31. Le mercredi ensuivant, premier jour de juing, oudit an, en la forme et manière du mardi, fut faite la procession

32. Le jeudy ensuivant fut le jour du Sainct Sacrement ; la procession fut faicte comme on a accoustumé.

33. Le vendredi ensuivant, iiie jour de juing, oudit an, fut faicte la plus belle procession[2] qui oncques fut gueres veue ; car toutes les parroisses et ordres, de quelque estât qu’ilz fussent, allèrent tous nuds piez, portant, comme devant est dit, saintu[ai]re

  1. Voici l’itinéraire de cette procession : les Jacobins, les Carmes et les Bernardins, tous nu-pieds et portant la vraie croix, allèrent à Saint-Martin-des-Champs par la rue Saint-Denis et revinrent par la rue Saint-Martin à la Sainte-Chapelle. (Arch. nat., Xia 4789, fol. 278 v°.)
  2. Il s’agit d’une procession générale du clergé de Notre-Dame à Sainte-Geneviève, ainsi décrite par le greffier Nicolas de Baye : Le clergé, accompagné de nombre de bourgeois et bourgeoises, tous nu-pieds, est « alé quérir corpus Domini à Saint-Jean en Grève, ouquel fu fait le miracle des Billettes, et puiz fu porté à Nostre-Dame, et l’atendi la court à la porte du Palaiz et de là à Nostre-Dame et de Nostre-Dame à Saincte-Genevieve. » (Arch. nat., Xia 1479, fol. 203 v°.)