Page:Journal d’un bourgeois de Paris 1405-1449.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ches et de jour et de nuit, car les Arminaz doubtoient plus ces deux hommes que le conte de Sainct-Paul et toute sa puissance, qui lors estoit comme cappitaine de Paris, et portoit en sa baniere fleur de bourache.

21. Item, le xvie jour d’octobre, estoient les Arminaz emprès le moullin à vent au-dessus de Sainct-Ladre. Adong yssirent ceulx de Paris sans gouverneur[1] et allèrent sur eulx tous nuds d’armes, fors que de trait et de picques de Flandres, et les autres estoient bien armez et vindrent sur la chaussée à eulx, et tantost en tuèrent bien de lx à iiiixx, et leur osterent quant qu’ilz avoient jusques aux brayes, et plus en eussent tué largement, ce ne fust le chemin qui estoit estroit et la nuyt qui venoit, car non pourtant moult de ceulx de Paris furent navrez, ainsi advint[2].................. ............................

22. Adong estoient ceulx de Paris moult esbahiz, car on ne savoit nulle nouvelle du duc de Bourgongne, et cuidoit-on qu’il fust mort, et il estoit allé traicter aux Englois en Engleterre, et revint à Paris le plus tost qu’il pot, et y entra le xxiiie jour d’octobre oudit an[3], et amena en sa compaignie bien de vii à viiim

    à l’expédition de Bourges pendant laquelle il mourut (Monstrelet, t. II, passim ; Arch. nat., Xia 1479, fol. 174, 210).

  1. Le récit de cette sortie désordonnée se trouve tout au long dans Juvénal des Ursins (p. 469) ; on voit que les Armagnacs s’étaient mis en embuscade derrière Montmartre, non loin du gibet, et fondirent sur les gens du comte de Saint-Pol qui parvinrent à rentrer dans Paris par la porte Saint-Honoré ; deux à trois cents malheureux Parisiens payèrent de leur vie leur imprudente équipée. La note gaie de cette piteuse aventure est l’histoire de cet « homme de pratique » qui sortit armé de toutes pièces et qui, bon gré mal gré, fut entraîné à Saint-Denis par la mule qu’il montait.
  2. Il y a ici une lacune qui correspond au bas du folio 16 du ms. de Rome, mais elle ne résulte point d’une lacération qu’aucun indice matériel ne permet de supposer ; en marge, on lit la note suivante dont l’écriture appartient à la seconde moitié du xvie siècle : « Desunt… fueillez », note où le nombre des feuillets reste en blanc. L’absence de ces feuillets est d’autant plus regrettable qu’ils contenaient probablement le récit d’un événement essentiellement parisien, le pillage et l’incendie du château de Bicétre où disparurent tant de trésors artistiques.
  3. Cette date du 23 octobre, assignée à l’entrée du duc de Bourgogne à Paris, est aussi celle donnée par Monstrelet, mieux renseigné que Juvénal des Ursins qui indique le 30 octobre ; elle est adoptée du reste par M. Gachard dans son Itinéraire de Jean Sans-Peur (Rapport sur les archives de Dijon, p. 218).