ung dymenche amenèrent le roy à Paris, qui fut receu le très plus honnorablement qu’on vit passé a deux cens ans, car tous les sergens, comme du guet, ceulx de la marchandise, ceulx à cheval, ceulx à verge, ceulx de la xiine avoient diverses livrées toutes especialment de chapperons, et tous les bourgois allèrent à l’encontre de lui. Devant lui avoit xii trompettes et grant foueson menestrées, et, partout où il passoit, on crioit [très joieusement] : « Nouel ! » et gectoit on viollettes et fleurs sur lui, et au soir soupoient les gens emmy les rues par très joyeuse chère, et firent feus tout partout Paris, et bassynoient de bassins tout parmy Paris[1]. Et le lendemain vint la royne et le daulphin, si refust la joie si très grande comme le jour de devant ou plus, car la royne vint le plus honnorablement qu’on l’avoit oncques veue entrer à Paris depuis qu’elle vint la première foys.
7. Le xxvie jour de juing ensuivant, fut fait le Saint Père, c’est assavoir Pierre de Candye[2], et le lundi viiie jour de juillet ensuivant fut sceu à Paris. On en fist moult noble feste, comme quant le roy vint de Tours, comme devant est dit, et par tous les moustiers de Paris on sonnoit moult fort et toute nuyt aassi.
8. L’an mil iiiic et ix, le jour de la my aoust, fist tel tonnoyre, environ entre cinq ou six heures au matin, que une ymaige de Nostre Dame, qui estoit sur le moustier de Sainct-Ladre, de forte
- ↑ Ce récit de la rentrée de Charles VI à Paris a été reproduit ou plutôt analysé par Godefroy dans ses extraits de notre journal ; il n’est peut-être pas sans intérêt d’en rapprocher la version inédite que donne le greffier Nicolas de Baye : « Ce jour, le roy nostre sire est retourné et rentré à Paris environ v heures après midi à moult grant compagnie et a l’en crié : « Noé », par toutes les rues où a passé, et aussy au soyr l’en a fait par les rues publiquement feus en signe de joye et de leesse pour la revenue dudit seigneur. » (Arch. nat., Xia 4788, fol. 262 v°.)
- ↑ Pierre de Candia, de l’ordre des Frères Mineurs, maître en théologie à Paris, fut élu pape par le concile de Pise le 26 juin 1409, et prit le nom d’Alexandre V, ses compétiteurs Grégoire XII et Benoît XIII ayant été condamnés par sentence du 5 juin précédent. Selon Nicolas de Baye, la nouvelle de son élection parvint au roi le dimanche soir 7 juillet, et dès le lundi matin, entre six et sept heures, le Parlement en fut avisé, « dont cedit jour fut faicte moult grant et joyeuse feste à Paris, par toute la ville, tant en feux que en mengiers publiques. » (Arch. nat., Xia 1479, fol. 82.) Alexandre V occupa peu de temps le trône pontifical ; il mourut le 4 mai 1410, laissant la réputation d’un excellent théologien, « sed parum peritus in tanto regimine », ainsi que le remarque le greffier du Parlement (Arch. nat., Xia 1479, fol, 114).