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INTRODUCTION

de la valeur des denrées, l’abondance ou la rareté des plantes potagères et des fruits, le prix du vin et du blé ; mais personne n’a remarqué jusqu’ici l’importance extrême que notre chroniqueur semble attacher à la culture des vignes, ainsi qu’à tous ces détails qui ne peuvent guère intéresser qu’un vigneron, tels que l’époque de la floraison des vignes (en 1421), les gelées désastreuses qui, par parenthèse, le désolent au-delà de toute expression, la quantité de vin produite par un arpent, l’époque et le prix des vendanges, les dévastations systématiques des gens de guerre dans les vignobles. Si l’auteur du Journal enregistre maintes et maintes fois dans ses éphémérides la « grant foison » des hannetons, ce n’est pas, comme on pourrait le croire, dans un but futile, mais parce que ces insectes dévastaient les arbres plantés dans les vignes et jardins, tels que les amandiers et noyers. Il n’est pas d’année où l’on ne rencontre quelques lignes relatives aux vignes et vendanges, et plusieurs pages ne suffiraient pas pour relever tout ce qui a trait à ce sujet ; nous nous bornerons à citer en note les passages les plus caractéristiques[1].

De telles particularités, l’on est forcé d’en convenir, n’auraient point pris place dans le Journal parisien, si son auteur n’eût été directement intéressé dans la question ; un propriétaire de vignes pouvait seul se préoccuper du prix de la journée des vendangeurs et vendangeuses, et de l’octroi payé aux portes de Paris pour l’entrée des cuves des vendanges. Nous dirons plus, les vignes en question étaient sur le territoire de Saint-Marcel ; ce fait ressort d’une façon évidente d’un passage du journal où l’auteur parle des vendanges de l’année 1424, « les plus belles que oncques on eust veu d’aage de homme » ; après s’être étendu sur l’abondance exceptionnelle de la récolte et le renchérissement des futailles, il ajoute : « Tout homme de quelque estat, senon les gouverneurs, de tant de queues de vin qu’ilz cuillirent chascun paia très grant rançon, car tous ceulx qui avoient vin devers la porte Sainct-Jaques et celle de Bordelles, paoient de chascune queue iiii solz parisis, forte monnoye, et de poinsons, de caques, de barilz, au feur des queues. »

Il est clair que si le chroniqueur note le prix que devaient payer

  1. « Item, en cellui an (1430) fut très bel aost et très belles vendanges et furent les vertjus hastifs, car aussitost qu’ilz estoient entonnez, ilz commençoient à boullir ou à gieter pour mieulx dire, et furent les vins très bons… Item… (en septembre 1436) on commença à vendenger, mais oncques mais les vendanges ne cousterent autant comme ilz firent celle année et si ne furent oncques mais vendangeurs et vendangeresses à si grant marché… En toutes les portes de Paris avoit ii ou iii sergens de par les gouverneurs de Paris, qui, sans loy et sans droit et par force, faisoient paier à chascan hotteur ii doubles, a chascune charrette qui amenoit cuves où il eust vendenge viii blans… »