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INTRODUCTION

enfants de toutes les écoles qui partirent des Innocents pour se rendre à Notre-Dame, et l’on nous dira si la personnalité du chanoine de Sainte-Opportune et de Notre-Dame ne semble pas s’y révéler à tous les yeux. Celle du chanoine et doyen de Saint-Germain-l’Auxerrois apparaît avec non moins de certitude dans d’autres circonstances dignes de remarque. Le chapitre de Saint-Germain-l’Auxerrois possédait d’ancienneté sur le cimetière des Innocents un droit de propriété foncière qui, souvent contesté, donna naissance à d’interminables procès ; c’est en vertu de ce droit qu’il se prétendait fondé à instituer les fossoyeurs, à accorder ou refuser les permissions de sépulture, à octroyer les autorisations nécessaires pour l’érection de croix, tombes et épitaphes dans le cimetière, sous les charniers et entre les piliers des charniers.

En nous rappelant que Jean Chuffart était chanoine et doyen de Saint-Germain-l’Auxerrois dès 1438, n’y a-t-il point quelque chose de caractéristique dans l’intérêt particulier que manifeste l’auteur du Journal parisien pour certains faits d’une importance secondaire relatifs au cimetière des Innocents, notamment en 1441, lorsqu’il nous apprend que quatre mois durant les inhumations y furent suspendues par suite des prétentions exagérées de l’évêque de Paris qui réclamait une somme d’argent excédant les ressources de l’église ? Si notre anonyme semble prendre à cœur cette affaire au point d’exprimer en termes amers tout le mécontentement qu’il en ressent, c’est qu’il est lui-même victime de la cupidité de l’évêque Denis du Moulin ; au lieu de voir dans ce passage, comme le fait M. Longnon, le langage d’un des adversaires de l’évêque en cour de Parlement, nous avons une explication plus naturelle à proposer.

Jean Chuffart, en sa qualité de chanoine de Saint-Germain-l’Auxerrois, se trouvait, ainsi que ses confrères, directement intéressé au débat soulevé par l’évêque, et surtout ne devait être que médiocrement satisfait d’avoir à s’imposer un sacrifice pécuniaire. L’extrait suivant des délibérations capitulaires de Saint-Germain-l’Auxerrois prouve que les chanoines de cette collégiale durent payer une certaine somme d’argent pour obtenir la « réconciliation » ou bénédiction nouvelle des lieux profanés :

Anno 1440, penultima die decembris, capitulantibus dominis, concluserunt quod magister Nicasius predictus (Nicaise Joye, l’un des chanoines) tradat pro prosequcione reconciliacionis cimisterii Sanctorum Innocentium, prout ceteri ad quos pertinet, vi solidos Parisiensium[1].

Poursuivant l’analyse de notre Journal, nous arrivons à ce passage bien connu où le chroniqueur parisien raconte sous la date du 11 octobre 1442 l’installation d’une recluse dans sa logette du cime-

  1. Arch. nat., LL 498, fo 87 Vo.